11
LE
PROCÈS
Deux mois après ces événements, John Cavendish comparaissait devant la justice pour le meurtre de sa belle-mère.
Il y a peu à dire sur les semaines qui précédèrent l’ouverture du procès. Mon admiration et ma sympathie allèrent sans réserve à Mary Cavendish. Rejetant avec mépris l’idée même que son mari fût coupable, elle se battit bec et ongles à ses côtés.
Comme je faisais part de mon admiration à Poirot, il m’approuva d’un air songeur :
— Oui. Elle fait partie de ces femmes qui se montrent sous leur meilleur jour dans l’épreuve. C’est là qu’elles sont les plus tendres et les plus loyales. Quant à son orgueil et à sa jalousie…
— Sa jalousie ?
— N’avez-vous pas remarqué l’incommensurable jalousie qu’elle porte en elle ? Comme je vous le disais donc et – au risque de vous choquer – comme on le dit en français vulgaire : « son orgueil et sa jalousie, elle s’est assise dessus ». Elle ne pense qu’à son mari et à l’épouvantable menace qui pèse sur lui.
Il avait dit cela avec une certaine émotion, et je me rappelai ce jour où il s’était demandé s’il devait parler ou non, où il avait parlé tendrement du « bonheur d’une femme ». Je me réjouis que la décision n’ait pas dépendu de lui.
— Aujourd’hui encore, j’ai du mal à y croire, dis-je. Voyez-vous, jusqu’à la dernière minute j’ai eu la conviction que c’était Lawrence.
Poirot eut un sourire en coin :
— Je savais que c’était là votre idée.
— Mais John ! Mon vieil ami John !
— Chaque assassin est le vieil ami de quelqu’un, observa Poirot avec philosophie. On ne devrait jamais confondre sentiment et raisonnement.
— Je dois dire que j’aurais apprécié que vous me mettiez sur la bonne piste.
— Peut-être m’en suis-je abstenu précisément parce qu’il était votre vieil ami…
Je fus quelque peu décontenancé par cette remarque. Ne m’étais-je pas empressé de rapporter à John ce que je croyais être l’opinion de Poirot à propos de Bauerstein ? Soit dit en passant, celui-ci avait été lavé des accusations d’espionnage qui pesaient contre lui. Néanmoins, il avait beau s’être montré, cette fois-ci, plus malin que la justice, il n’en avait pas moins laissé quelques plumes dans l’histoire.
Je demandai à Poirot s’il pensait que John serait condamné. Il me surprit une fois de plus en déclarant que, bien au contraire, l’acquittement lui paraissait très probable.
— Mais, mon cher Poirot…
— Allons, mon bon ami ! Ne vous ai-je pas dit et répété depuis le début de cette affaire que je n’avais pas de preuves formelles ? Savoir qu’un homme est coupable est une chose, encore faut-il le prouver. Or, dans le cas présent, les preuves font particulièrement défaut. Là réside toute la difficulté. Moi, Hercule Poirot, je sais, mais il manque un maillon. Et à moins que je ne trouve ce maillon manquant…
— Quand avez-vous commencé à soupçonner John Cavendish ? demandai-je après un long silence.
— Vous-même, ne l’avez-vous jamais soupçonné ?
— Non, jamais.
— Pas même après ce fragment de conversation que vous avez surpris entre Mrs Cavendish et sa belle-mère ? Ni plus tard, lors des témoignages, quand la jeune femme s’est montrée si peu coopérative ?
— Non.
— Est-ce que vous n’avez pas compris que un et un font deux, et que si ce n’était pas Alfred Inglethorp qui avait eu une scène violente avec sa femme – ce qu’il a énergiquement nié à l’enquête, rappelez-vous –, il ne pouvait s’agir que de John ou de Lawrence ? Or, l’attitude de Mary Cavendish ne se justifiait que si c’était son mari qui se trouvait en cause, et non pas Lawrence.
Et la lumière se fit soudain jour en moi :
— Ainsi, c’est donc John qui a eu cette altercation avec sa belle-mère cet après-midi-là ?
— Exactement.
— Et vous le saviez depuis le début ?
— Bien sûr. Comment expliquer autrement la conduite de Mary Cavendish ?
— Et vous dites pourtant qu’il a de grandes chances d’être acquitté !
Poirot haussa les épaules :
— Je le dis et je le répète. Lors de l’audience préliminaire, nous prendrons connaissance de l’acte d’accusation, mais ses avocats conseilleront certainement à John de réserver sa défense. Ce sera le coup de théâtre de l’ouverture du procès proprement dit. Ah ! pendant que j’y pense, notez bien ceci sur vos tablettes, mon bon ami. Ce procès, je n’ai pas la moindre intention d’y assister.
— Quoi ?
— Non. Officiellement, je n’ai rien à voir dans cette affaire. Tant que je n’aurai pas découvert le maillon manquant, je dois rester dans la coulisse. Mrs Cavendish doit s’imaginer que j’œuvre dans l’intérêt de son époux, et pas contre lui.
— Permettez-moi de vous dire que je trouve votre politique indigne et… euh… « au ras des pâquerettes » !
— Allons bon ! Quand vous utilisez une de nos expressions françaises les plus imagées, tâchez de le faire avec plus d’à-propos. Non, sérieusement. Nous sommes confrontés à un individu sans scrupules, doué d’une intelligence remarquable, ce qui nous autorise à nous servir de tous les moyens – honnêtes ou à la limite du déshonnête – dont nous pouvons disposer. Sinon, il nous filera entre les doigts ! C’est pourquoi j’ai pris soin de me faire des plus discrets. Toutes les découvertes ont été faites par Japp ; et Japp en retirera tout le bénéfice. Et si je devais être appelé à la barre, ajouta-t-il avec un large sourire, ce serait probablement en qualité de témoin de la défense.
Je n’en croyais pas mes oreilles !
— C’est de bonne guerre, poursuivit Poirot. Curieusement, je pourrais d’ailleurs fournir un témoignage qui réduirait à néant un des points forts de l’accusation.
— Lequel ?
— Celui concernant la destruction du testament. Ce n’est pas John Cavendish qui l’a brûlé.
Poirot était un véritable prophète. J’épargnerai au lecteur les méandres fastidieux de la procédure judiciaire pour dire simplement que John Cavendish réserva sa défense et fut incarcéré jusqu’au procès.
Septembre nous trouva tous à Londres. Mary avait loué une maison à Kensington, où Poirot fut hébergé. Quant à moi, le ministère de la Guerre me proposa une sinécure, ce qui me permit de leur rendre visite aussi souvent que je le désirais.
Les semaines passaient et l’état nerveux de Poirot se faisait de plus en plus pénible à supporter. Le « chaînon manquant » dont il m’avait parlé manquait toujours. Je souhaitais pour ma part qu’il ne le découvrît jamais, car si son époux n’était pas acquitté, quel bonheur pouvait espérer Mary Cavendish ?
Le 15 septembre, John Cavendish se présenta au banc des accusés de l’Old Bailey. Il se vit signifier son inculpation pour « meurtre avec préméditation sur la personne d’Émily Agnes Inglethorp » et plaida non coupable.
Il avait pris pour assurer sa défense sir Ernest Heavywether, le célèbre avocat de la Couronne. Me Philips, également avocat de la Couronne, ouvrit, pour sa part, le procès au nom de la Couronne.
Selon lui, le meurtre avait été soigneusement prémédité et accompli de sang-froid. Il ne s’agissait ni plus ni moins que de juger l’assassinat par le poison d’une vieille dame, aimante et confiante, par son beau-fils qu’elle avait pourtant chéri plus qu’une mère. Elle avait pourvu à tous ses besoins depuis sa plus tendre enfance. Son épouse et lui avaient vécu à Styles Court dans le luxe, entourés de l’affection attentionnée de la vieille dame qui s’était montrée une bienfaitrice généreuse.
Me Philips se proposait donc d’appeler à la barre un certain nombre de témoins afin de prouver que l’accusé, individu débauché et dépensier, non seulement s’était retrouvé sans argent mais avait entretenu une liaison avec Mrs Raikes, l’épouse d’un fermier du voisinage. Mise au courant de la situation, Mrs Inglethorp lui avait adressé des reproches l’après-midi précédant sa mort. La discussion s’était envenimée et on en avait surpris les échos. La veille, l’accusé avait acheté de la strychnine à la pharmacie du village, non sans prendre la précaution de se déguiser et de se faire passer pour l’époux de Mrs Inglethorp. Il espérait ainsi faire accuser cet homme – qu’il détestait – du crime prémédité. Par chance, Mr Alfred Inglethorp avait pu produire un alibi irréfutable.
Le 17 juillet, poursuivit Me Philips, juste après cette querelle qui l’avait opposée à son beau-fils, Mrs Inglethorp avait rédigé un nouveau testament, que l’on devait retrouver, le lendemain matin, détruit dans la cheminée de sa chambre. Néanmoins, on pouvait affirmer que cet acte avantageait notablement son époux. La défunte avait déjà fait testé en faveur d’Alfred Inglethorp, mais c’était avant leur mariage et (l’avocat brandit un index pour appuyer son discours) l’accusé n’en savait rien. Pourquoi la défunte s’était-elle décidée à rédiger un nouveau testament, alors que l’ancien existait toujours ? Cela, l’accusation ne pouvait le dire pour l’instant. Mrs Inglethorp était une personne âgée ; elle avait pu oublier l’existence du précédent. Ou bien – et Me Philips accordait plus de crédit à cette seconde hypothèse – elle se doutait que l’ancien était annulé par le mariage, puisqu’elle avait débattu de ce sujet. Les femmes ne sont pas toujours très au fait de la législation. Un an plus tôt environ, elle avait rédigé un autre testament, en faveur de l’accusé celui-là. Me Philips entendait prouver que c’était bien John Cavendish qui avait apporté son café à Mrs Inglethorp, le soir de la tragédie. Plus tard, il avait réussi à pénétrer dans la chambre de sa belle-mère et à détruire le nouveau testament, dont la disparition rendrait toute sa validité à celui qui avait été rédigé en sa faveur.
C’était grâce à l’inspecteur Japp, brillant inspecteur du Yard, que l’accusé avait été arrêté. On avait en effet découvert dans sa chambre une fiole de strychnine identique à celle qui avait été vendue la veille du crime au prétendu Mr Inglethorp par le pharmacien du village. Il incombait au jury de décider si ce faisceau de preuves accablantes permettait ou non de définir avec certitude la culpabilité de l’accusé.
Ayant subtilement conclu qu’il paraissait difficilement concevable qu’un jury n’en arrive pas à cette conclusion, Me Philips se rassit et s’épongea le front.
Pour la plupart, les premiers témoins appelés à la barre furent ceux qui avaient déposé aux Stylites Arms lors de l’enquête préliminaire, et tout d’abord les médecins.
Sir Ernest Heavywether, célèbre dans toute l’Angleterre pour la manière dont il déstabilisait les témoins, ne posa que deux questions au Dr Bauerstein :
— Si mes renseignements sont exacts, la strychnine est une drogue à effet rapide ?
— Oui.
— Dont vous ne pouvez expliquer l’effet retard que l’on note dans le cas présent ?
— Non.
— Je vous remercie.
Mr Mace reconnut la fiole que lui montra Me Philips comme étant celle qu’il avait vendue à « Mr Inglethorp ». Questionné plus précisément, il admit ne connaître Mr Inglethorp que de vue et ne lui avoir jamais parlé auparavant. Son témoignage se limita à ces précisions.
Alfred Inglethorp le remplaça à la barre et nia formellement avoir acheté la strychnine ou s’être querellé avec son épouse. Divers témoins suivirent, qui confirmèrent cette déclaration.
Les jardiniers furent ensuite appelés et déposèrent au sujet de leur contre-signature sur le testament. Puis ce fut au tour de Dorcas.
Fidèle à ses chers « jeunes messieurs », la domestique décréta qu’en ce qui concernait la voix qu’elle avait entendue, il ne pouvait s’agir de celle de John. Avec la même fougue, elle affirma que c’était Mr Inglethorp qui se trouvait dans le boudoir avec son épouse. Dans le box des accusés, John eut un sourire mélancolique. Il ne savait que trop l’inutilité de cette intervention loyale : la défense n’avait aucunement l’intention de nier ce point. Comme on s’en doute, Mrs Cavendish ne fut pas appelée à la barre pour déposer contre son mari.
Après diverses questions mineures à Dorcas, Me Philips lui demanda :
— Au mois de juin, est-ce que vous vous souvenez d’avoir réceptionné un paquet envoyé par la firme Parkson & Parkson et adressé à Mr Lawrence Cavendish ?
— Non, monsieur. Bien sûr, c’est possible. Mais Mr Lawrence a été absent une partie du mois de juin.
— Supposons qu’un paquet soit arrivé en l’absence de Mr Lawrence Cavendish. Qu’en aurait-on fait ?
— Il aurait été déposé dans sa chambre ou on l’aurait fait suivre.
— C’est vous qui en auriez pris l’initiative ?
— Non, monsieur. J’aurais laissé le paquet sur la table du vestibule. C’est Miss Howard qui s’en serait chargée.
Evelyn Howard fut ensuite appelée à la barre. Après quelques questions sur des points de détail, elle fut interrogée sur le fameux paquet.
— Je ne sais plus. On reçoit beaucoup de paquets. Je ne me souviens pas de celui-là en particulier.
— Vous ne savez pas si ce paquet a été réexpédié à Mr Lawrence Cavendish au Pays de Galles, ou s’il a été déposé dans sa chambre ?
— Réexpédié, je ne crois pas. Je m’en souviendrais.
— Admettons qu’un paquet soit arrivé pour Mr Lawrence Cavendish, et qu’il ait ensuite disparu. Auriez-vous remarqué cette disparition ?
— Non, je ne crois pas. J’aurais pensé que quelqu’un d’autre s’en était chargé.
— Si je ne me trompe, c’est vous, Miss Howard, qui avez découvert cette feuille de papier ?
Et il brandit la feuille défraîchie que moi-même et Poirot avions examinée dans le petit salon de Styles.
— Oui, c’est moi.
— Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous l’avez cherchée ?
— Parce que le détective qui s’intéresse à cette affaire me l’a demandé.
— Et où l’avez-vous trouvée ?
— Sur le haut d’une… d’une armoire.
— L’armoire de l’accusé ?
— Je… je crois.
— Ne l’avez-vous pas trouvée vous-même ?
— Si.
— Vous devez donc savoir où vous l’avez trouvée ?
— Oui… Sur l’armoire de l’accusé.
— Voilà qui est mieux.
Un représentant de la firme Parkson & Parkson, costumiers, attesta qu’ils avaient vendu une barbe noire le 29 juin à un Mr L. Cavendish, après commande passée par lettre accompagnée d’un mandat. Non, ils ne gardaient pas le courrier mais les commandes figuraient dans leurs livres. La barbe avait été envoyée à L. Cavendish Esq., Styles Court, comme demandé par le client.
Avec une lenteur étudiée, sir Ernest Heavywether se leva.
— D’où venait cette lettre ? demanda-t-il.
— De Styles Court.
— L’adresse même à laquelle vous avez envoyé la commande ?
— Oui.
Avec l’agressivité d’un prédateur, Heavywether attaqua le pauvre représentant de Parkson & Parkson :
— Comment pouvez-vous l’affirmer ?
— Je… Je ne comprends pas…
— Avez-vous la certitude que cette lettre venait de Styles Court ? Vous vous souvenez du cachet de la poste ?
— Non… Mais…
— Ah ! Vous ne vous en souvenez pas ! Ce qui ne vous empêche pourtant pas d’affirmer avec aplomb que cette lettre venait de Styles. Le cachet de la poste aurait pu être celui de n’importe quel autre endroit, non ?
— Euh… oui.
— De fait, cette lettre, même rédigée sur du papier à en-tête de Styles Court, aurait pu être postée n’importe où, n’est-ce pas ? Au Pays de Galles, par exemple ?
Le témoin dut admettre qu’il aurait pu en être ainsi, et sir Ernest se déclara satisfait.
Elisabeth Wells, deuxième femme de chambre à Styles, succéda au représentant de Parkson & Parkson. Après s’être couchée elle s’était souvenue qu’elle avait verrouillé la porte d’entrée, alors que Mr Inglethorp avait prié qu’on se contente de la fermer à clef. Elle avait donc décidé de redescendre au rez-de-chaussée. Surprenant un léger bruit en provenance de l’aile ouest, elle avait jeté un coup d’œil dans le couloir et avait vu Mr John Cavendish qui frappait à la porte de Mrs Inglethorp.
Sous le feu roulant de ses questions, sir Ernest Heavywether amena impitoyablement Elisabeth à se contredire. Puis, avec un sourire satisfait, l’avocat de la défense la renvoya et se rassit.
Ce fut alors le tour d’Annie. Elle parla de la tache de bougie sur le tapis et jura avoir vu l’accusé apporter le café dans le boudoir. Ce fut le dernier témoin de la journée, et l’audience fut suspendue jusqu’au lendemain.
Alors que nous quittions les lieux, Mary Cavendish eut des paroles amères à rencontre de l’avocat de la Couronne.
— Quel horrible personnage ! Quel filet il resserre autour de mon pauvre John ! Et cette façon dont il dénature chaque détail afin de lui faire dire le contraire de ce qu’il dit !
— Allons, allons ! demain, ce sera le contraire, dis-je d’un ton consolant.
— Oui, fit-elle, songeuse. (Puis, en baissant la voix :) Mr Hastings, vous ne croyez pas… non, ça ne peut pas être Lawrence ?… Oh, non ! ce n’est pas possible !
J’étais moi-même assez décontenancé par la tournure du procès. Aussi, dès que je me trouvai seul avec Poirot, je lui demandai s’il avait une idée de la tactique employée par sir Ernest.
— Ah ! lâcha mon ami, en connaisseur. Il est très fort, ce sir Ernest !
— D’après vous, il croit Lawrence coupable ?
— À mon avis, il ne croit rien du tout et il s’en moque ! Non, il essaye simplement de créer une telle confusion dans l’esprit des jurés qu’ils en arrivent à être divisés sur la culpabilité de l’un ou l’autre des deux frères. Il s’évertue à démontrer qu’il existe autant de preuves accablant Lawrence que John… et je me demande s’il n’y parviendra pas.
L’inspecteur Japp fut le premier témoin appelé à la barre le lendemain. Il déposa avec brièveté et précision. Après avoir rappelé les événements précédents, il poursuivit :
— Suite à certaines informations qui nous avaient été communiquées, le commissaire Summerhaye et moi-même avons profité de l’absence de l’accusé pour procéder à une fouille méthodique de sa chambre. Dans sa commode, cachées parmi des sous-vêtements, nous avons trouvé : primo, une paire de lunettes à monture en or que voici, identiques à celles que porte Mr Inglethorp ; secundo, cette fiole.
Le flacon était celui qu’avait déjà reconnu Mr Mace, le préparateur : une petite fiole de verre bleu, contenant un peu de poudre cristalline blanche, et dont l’étiquette portait la mention : « Hydrochlorure de strychnine. POISON. »
Depuis la séance des dépositions préliminaires aux Stylites Arms, les enquêteurs du Yard avaient découvert un nouvel indice, glissé dans le chéquier de Mrs Inglethorp. Il s’agissait d’une longue bande de papier buvard qui avait très peu servi. En le tenant devant un miroir, on pouvait lire distinctement : « …je lègue tout ce que je possède à mon époux bien-aimé, Alfred Ing… » Ce nouvel élément prouvait sans contestation possible que le testament détruit avait été rédigé en faveur du mari de la défunte. Japp montra ensuite le fragment de papier calciné retrouvé dans la cheminée de la chambre et termina son témoignage par la fausse barbe découverte dans le coffre du grenier.
Mais sir Ernest contre-attaqua immédiatement :
— À quelle date avez-vous fouillé la chambre de l’accusé ?
— Le mardi 24 juillet.
— Soit une semaine exactement après le drame ?
— Oui.
— Donc vous avez découvert ces deux objets dans la commode. Était-elle fermée à clef ?
— Non.
— Ne vous semble-t-il pas étonnant qu’un meurtrier conserve les preuves de son crime dans un meuble que n’importe qui peut fouiller sans difficulté ?
— Il les a peut-être cachées là parce qu’il était pressé.
— Je vous rappelle qu’une semaine entière s’était écoulée depuis le crime. Il avait donc eu cent fois la possibilité de les détruire !
— Peut-être, oui.
— Il n’y a pas de « peut-être » qui tienne ! Avait-il, oui ou non, le temps matériel de faire disparaître ces objets ?
— Oui.
— Les sous-vêtements parmi lesquels étaient cachés ces objets étaient-ils épais ou légers ?
— Plutôt épais.
— Autrement dit, c’étaient des sous-vêtements d’hiver. Il est donc évident que l’accusé n’aurait aucune raison d’ouvrir ce tiroir avant longtemps, n’est-ce pas ?
— C’est possible, en effet.
— Veuillez répondre avec plus de précision, je vous prie. Était-il probable que l’accusé, alors que nous sommes dans la période la plus chaude d’un été torride, ouvre ce tiroir précis, qui contient des sous-vêtements d’hiver ? Oui ou non ?
— Non.
— En ce cas, n’est-il pas possible que ces deux objets aient été placés dans ledit tiroir par une tierce personne, et que l’accusé ait ignoré leur présence ?
— Cela me paraît assez improbable.
— Mais possible ?
— Oui.
— Ce sera tout.
D’autres témoignages suivirent, qui mirent en évidence les difficultés pécuniaires de l’accusé à la fin du mois de juillet, ainsi que sa liaison avec Mrs Raikes. Pauvre Mary, cela dut être atroce à entendre pour une femme possédant un tel amour-propre ! Les faits rapportés par Evelyn Howard étaient donc bien réels, mais sa haine pour Alfred Inglethorp l’avait poussée à conclure un peu vite que la personne concernée n’était autre que lui.
Ce fut ensuite le tour de Lawrence. D’une voix sourde, en réponse aux questions de Me Philips, il nia avoir commandé quelque article que ce fût à la firme Parkson & Parkson au mois de juin. D’ailleurs, le 29 de ce mois, il se trouvait au Pays de Galles.
Aussitôt sir Ernest intervint, le menton agressif :
— Vous niez avoir commandé une barbe noire à la firme Parkson & Parkson le 29 juin ?
— Je le nie.
— Ah ! Et s’il arrivait quelque chose à votre frère John, qui hériterait de Styles Court ?
La brutalité de la question fit monter le rouge aux joues habituellement pâles de Lawrence. Le juge laissa échapper un murmure désapprobateur et, dans le box des accusés, John se pencha en avant dans un mouvement de colère. Mais sir Heavywether n’en avait cure :
— Veuillez répondre à ma question.
— Je crois que ce serait moi.
— Que voulez-vous dire par « je crois » ? Votre frère n’a pas d’enfants. Donc vous hériteriez, n’est-ce pas ?
— Oui.
— Ah ! Voilà qui est mieux ! lâcha sir Heavywether avec une ardeur féroce. Et, si je ne me trompe, vous hériteriez également d’une somme d’argent confortable, non ?
— Voyons, sir Ernest, protesta le juge, ces questions sont déplacées.
Sir Heavywether s’inclina, mais il avait décoché son trait.
— Le mardi 17 juillet, poursuivit-il, vous avez visité en compagnie d’un ami le laboratoire de l’hôpital de la Croix-Rouge, à Tadminster. Est-ce exact ?
— Oui.
— Alors que, par le plus grand des hasards, vous vous trouviez seul un instant, n’avez-vous pas ouvert l’armoire aux poisons pour examiner certains des flacons ?
— Je… je… il est possible que…
— Je vous demande si vous l’avez fait ou non ?
— Oui.
La question suivante de sir Ernest partit comme un boulet de canon.
— Vous êtes-vous intéressé à un flacon en particulier ?
— Non, je ne crois pas.
— Prenez garde, Mr Cavendish. Je parle d’une petite fiole d’hydrochlorure de strychnine…
Le visage de Lawrence Cavendish prit une teinte cadavérique :
— N…non… Je suis sûr que non !
— Alors veuillez expliquer au jury comment il se fait qu’on ait retrouvé vos empreintes sur cette fiole ?
Cet interrogatoire agressif faisait merveille sur une nature aussi fragile :
— Il… Il est possible que j’aie touché cette fiole, mais…
— Très possible, en effet ! Avez-vous prélevé une partie du contenu de cette fiole ?
— Absolument pas !
— Alors pourquoi l’avez-vous touchée ?
— J’ai fait des études de médecine, et ces choses-là m’intéressent tout naturellement.
— Ah ! Ainsi, les poisons vous intéressent ? Vous n’en avez pas moins attendu d’être seul pour satisfaire cet « intérêt », n’est-ce pas ?
— Non, c’était par hasard. Si les autres avaient été là, j’en aurais fait autant.
— Mais à ce moment, justement, les autres n’étaient pas là.
— C’est exact, mais…
— Pendant tout l’après-midi, vous n’avez été seul que deux minutes. Or, il semble que vous ayez précisément profité de ces deux minutes pour satisfaire votre « intérêt » pour l’hydrochlorure de strychnine.
— Je… je…, bredouilla pitoyablement Lawrence.
Visiblement satisfait, sir Ernest conclut, le visage empreint d’une expression pleine de sous-entendus :
— Je n’ai pas d’autre question à vous poser, Mr Cavendish.
Cet interrogatoire avait déclenché l’émoi dans la salle. Les élégantes de l’assistance, tête contre tête, se chuchotaient leurs commentaires. Et le brouhaha devint tel que le juge menaça de faire évacuer la salle.
Il y eut encore quelques témoignages. Des experts en graphologie vinrent donner leurs conclusions sur la signature apposée dans le registre de la pharmacie. Tous affirmèrent que c’était un faux, et qu’il pouvait s’agir de l’écriture déguisée de l’accusé. Poussés dans leurs retranchements, ils admirent qu’il pouvait également s’agir d’une habile contrefaçon de l’écriture de l’accusé.
La plaidoirie que prononça sir Ernest Heavywether pour la défense ne dura guère, mais fut rehaussée par l’éloquence emphatique du personnage. Jamais, au cours de sa longue carrière, affirma-t-il, il n’avait vu un homme accusé d’homicide volontaire sur des preuves plus légères. Elles étaient indirectes, et la plupart d’entre elles ne résistaient pas à l’analyse. Que le jury prenne la peine d’étudier en détail, et avec toute l’impartialité souhaitable, ce qu’on pouvait tirer des dépositions. De la strychnine avait été découverte dans un tiroir de la commode se trouvant dans la chambre de l’accusé. Or, ce tiroir n’était pas fermé à clef. On ne pouvait en déduire formellement que l’accusé y eût caché le poison ; pour sa part, sir Ernest y voyait la mise en scène diabolique d’une tierce personne cherchant à faire porter les soupçons sur son client. Le ministère public avait été incapable de prouver que John Cavendish avait effectivement commandé la barbe noire chez Parkson & Parkson. Quant à la querelle qui avait opposé l’accusé à sa belle-mère, elle avait certes eu lieu, mais on en avait décuplé l’importance, tout comme on avait exagéré ses problèmes financiers.
Son éminent confrère (sir Ernest désigna sir Philips d’un signe de tête désinvolte) avait relevé que, si l’accusé était innocent, il aurait dû déclarer spontanément que la personne qui s’était querellée avec Mrs Inglethorp n’était pas son mari mais lui-même. Sir Ernest pensait que les faits avaient été mal présentés Voici, en fait, ce qui s’était passé : à son retour à Styles Court, le mardi soir, John Cavendish avait appris de source sûre qu’une violente querelle avait opposé Mr et Mrs Inglethorp. L’accusé n’avait pas imaginé un instant qu’on pût confondre sa voix avec celle de Mr Inglethorp ; il en avait donc conclu que sa belle-mère avait eu deux altercations dans la même journée.
Le lundi 16 juillet, prétendait l’accusation, John Cavendish avait poussé la porte de la pharmacie du village, sous l’apparence de Mr Alfred Inglethorp. En réalité, l’accusé se trouvait à ce moment précis dans un endroit reculé appelé Marston’s Spinney, attiré là par une lettre anonyme qui le menaçait de révéler à son épouse certains de ses agissements s’il ne se rendait pas à ce rendez-vous. John Cavendish avait donc obtempéré, et attendu en vain pendant une demi-heure, avant de rentrer à Styles Court. La malchance avait voulu qu’il ne rencontrât personne en chemin : il ne pouvait par conséquent produire aucun témoin pour alléguer ses dires. Néanmoins, il avait eu la bonne idée de conserver la lettre de chantage, qu’il tenait à la disposition de la justice.
En ce qui concernait le testament détruit, l’accusé, de par sa formation d’avocat, savait fort bien que le testament en sa faveur était automatiquement annulé par le remariage de sa belle-mère. Sir Ernest avait l’intention d’appeler à la barre plusieurs témoins afin de déterminer qui avait brûlé le testament, et il était fort possible que l’affaire prenne à cette occasion un tour bien différent.
Pour finir, il démontrerait au jury que des présomptions autrement plus sérieuses pesaient sur d’autres personnes que son client, et sur Mr Lawrence Cavendish en particulier.
Cela dit, il appela John Cavendish à la barre.
Celui-ci s’acquitta fort bien de son rôle. Magistralement guidé par les questions de sir Ernest, il déposa de façon convaincante. La lettre anonyme qui l’avait attiré à Marston’s Spinney circula parmi le jury. La bonne volonté avec laquelle il décrivit ses ennuis d’argent et son différend avec la défunte ajoutèrent un certain crédit à ses dénégations.
Une fois l’interrogatoire terminé, il marqua un temps d’hésitation puis ajouta :
— Je tiens à préciser un point. Je désapprouve catégoriquement les insinuations de sir Ernest Heavywether à l’encontre de mon frère. J’ai la conviction que Lawrence n’a pas plus à voir dans ce crime que moi-même.
Sir Ernest se contenta de sourire. Il ne pouvait échapper à son sens aigu de l’observation que ces dernières paroles avaient produit un effet très favorable sur les jurés.
Le moment était venu du contre-interrogatoire de l’accusation, mené par Me Philips :
— J’ai cru comprendre que l’idée ne vous avait jamais effleuré que les témoins aient pu confondre votre voix avec celle de Mr Inglethorp. N’est-ce pas plutôt surprenant ?
— Non, je ne trouve pas. On m’avait dit qu’une querelle avait opposé ma belle-mère et son époux, et je n’avais aucune raison de mettre en doute cette information.
— Pas même quand Dorcas, la domestique, a répété certaines phrases de cette altercation, phrases dont vous auriez dû vous souvenir ?
— Je ne m’en suis pas souvenu.
— Vous avez une mémoire bien courte !
— Nous étions tous deux très en colère et je crois que nos propos ont dépassé notre pensée. Sur le moment, j’ai prêté très peu d’attention aux termes employés par ma mère.
Me Philips émit un reniflement incrédule – artifice de plaidoirie d’une efficacité indéniable. Puis il enchaîna sur le problème de la lettre anonyme reçue par John Cavendish :
— Cette « preuve » manuscrite vient fort à propos ! Dites-moi, cette écriture ne vous semble pas familière ?
— Pas que je sache !
— N’y voyez-vous pas une ressemblance frappante avec votre propre écriture… mal imitée ?
— Non, je ne trouve pas !
— J’affirme qu’il s’agit là de votre propre écriture !
— Non !
— Et moi, j’affirme que, soucieux de vous constituer un alibi, vous avez imaginé ce rendez-vous par ailleurs assez improbable et avez écrit vous-même cette lettre « anonyme » pour appuyer votre déclaration !
— Non !
— N’est-il pas exact que, à l’heure où vous prétendez avoir attendu dans un endroit isolé et peu fréquenté, vous vous trouviez en réalité dans la pharmacie du village, occupé à acheter de la strychnine sous l’identité de Mr Alfred Inglethorp ?
— Non, c’est un mensonge !
— J’affirme que c’était vous, affublé d’une fausse barbe taillée à la ressemblance de celle de Mr Inglethorp et vêtu d’un de ses costumes ! Et j’affirme que vous avez imité sa signature sur le registre !
— C’est absolument faux !
— Alors je laisserai aux jurés le soin de constater la remarquable similitude qui existe entre la signature du registre, votre lettre « anonyme » et un échantillon de votre écriture.
Ayant ainsi conclu, Me Philips se rassit. Sur son visage se lisait la satisfaction du devoir accompli, mêlée à l’indignation que cette suite de dénégations éhontées avaient éveillée.
Vu l’heure tardive, l’audience fut suspendue jusqu’au lundi suivant.
Poirot me parut passablement découragé. Il avait entre les sourcils ce petit pli soucieux que je ne lui connaissais que trop bien.
— Qu’avez-vous ? demandai-je.
— Ah ! mon bon ami, cette affaire prend une mauvaise tournure, une bien mauvaise tournure…
Malgré moi, j’eus un soupir de soulagement : John Cavendish allait sans doute être acquitté.
De retour à la maison de Kensington, mon ami repoussa la tasse de thé que lui présenta Mary Cavendish.
— Non, madame, je vous remercie. Je vais monter dans ma chambre.
Je le suivis. Les sourcils toujours froncés, il prit un jeu de patience dans le tiroir du bureau. Puis il s’assit et, sous mes yeux incrédules, se mit avec le plus grand sérieux à construire un château de cartes !
Il dut remarquer mon expression ahurie, car il crut bon de s’expliquer :
— Non, mon bon ami, je ne suis pas retombé en enfance ! Simplement, je me calme les nerfs. Cet exercice réclame une grande précision des gestes. La précision des gestes entraîne celle du cerveau. Et jamais plus que maintenant je n’en ai eu autant besoin !
— Que se passe-t-il ? m’inquiétai-je au bout d’un moment.
D’un coup de poing sur la table, Poirot avait fait s’écrouler le fragile édifice.
— Il se passe, mon bon ami, que je peux construire des châteaux de cartes de sept étages, mais que je suis toujours incapable (nouveau coup sur la table) de… (bang !) de trouver ce… (bang !) ce chaînon manquant dont je vous ai parlé !
Ne sachant trop que dire, je me cantonnai dans un silence prudent et le regardai s’atteler à la construction d’un second château de cartes. Lentement il superposa les petits cartons en lançant des bribes de phrases :
— C’est comme ça qu’il faut œuvrer… En plaçant… un élément après l’autre… avec une précision… mathématique !
J’observai le château de cartes s’élever étage par étage. Jamais mon ami ne marqua la moindre hésitation ni ne commit la moindre erreur. Son adresse égalait celle d’un prestidigitateur.
— Vous possédez une sûreté de gestes remarquable, fis-je remarquer. Je crois n’avoir vu trembler vos mains qu’en une seule occasion.
— Une occasion où je devais être bien énervé, alors, commenta Poirot sans se départir de son calme.
— En effet ! Vous étiez hors de vous. Ne vous en souvenez-vous pas ? C’était dans la chambre de Mrs Inglethorp, lorsque vous avez découvert que la serrure de la mallette avait été forcée. Vous vous teniez près de la cheminée, et je vous ai vu aligner les bibelots sur le marbre, selon votre habitude ; à cet instant, votre main tremblait comme une feuille ! Je dois avouer que…
Je ne pus en dire davantage. Car Poirot poussa un cri rauque et inarticulé et détruisit une nouvelle fois sa construction. Puis, plaquant ses mains sur ses yeux, il commença à se balancer d’avant en arrière sur sa chaise, comme s’il souffrait le martyre.
— Seigneur ! Poirot, que vous arrive-t-il ? Vous ne vous sentez pas bien ?
— Si, Si ! souffla-t-il. Mais je viens tout d’un coup d’entrevoir une théorie…
— Ah ! m’exclamai-je avec soulagement. Une de vos fameuses « petites théories » !
— Ah ! ma foi, non ! rétorqua Poirot avec un accent de sincérité totale. Cette fois, il s’agit d’une théorie fantastique ! Prodigieuse ! Et c’est vous, mon bon ami, vous qui me l’avez suggérée !
Il bondit de sa chaise et, m’étreignant avec fougue, m’embrassa sur les deux joues. Avant même que je fusse revenu de ma surprise, il était sorti en trombe de la pièce.
À ce moment, Mary Cavendish entra.
— Qu’arrive-t-il donc à Mr Poirot ? s’étonna-t-elle. Je viens de le croiser dans l’escalier. Il dévalait les marches et m’a crié au passage : « Un garage ! Pour l’amour du ciel, madame, indiquez-moi un garage ! » Mais il n’a même pas attendu ma réponse et s’est précipité dehors !
Je me ruai à la fenêtre. Il dévalait en effet la rue en courant à perdre haleine et en gesticulant. Il n’avait même pas pris le temps de mettre son chapeau ! Je me retournai vers Mary Cavendish avec un geste d’impuissance :
— Il va se faire arrêter par un agent ! Il tourne déjà le coin de la rue !
Nous nous regardions, totalement désemparés.
— Que peut-il bien lui passer par la tête ?
— Je n’en ai aucune idée, répondis-je. Il était en train de construire un château de cartes, quand il m’a déclaré soudain avoir la révélation d’une de ses « théories » – et il s’est précipité dehors comme vous l’avez constaté vous-même.
— J’espère, soupira Mary Cavendish, qu’il rentrera pour dîner.
Mais la nuit tomba, et Poirot n’était toujours pas rentré.